Incendie de Lubrizol : ce qui a changé dans la réglementation

Depuis l’incendie de Lubrizol à Rouen, de nouvelles réglementations on vu le jour afin de renforcer la sécurité sur les sites, celles sur l’implantation des entrepôts sont en parallèle assouplies. Sont concernés : les établissements Seveso, les entrepôts et, plus largement, les stockages de liquides inflammables et de produits combustibles.

La directive Seveso 3 complétée

D’un point de vue administratif, des changements interviennent :

  • tout exploitant d’une installation classée Seveso doit fournir sur demande aux autorités compétentes un rapport de l’assureur du site précisant les mesures de prévention des risques
  • lors d’une déclaration d’antériorité, le préfet peut dorénavant exiger la présentation de cette étude de danger
  • un rapport après accident doit aussi être tenu obligatoirement à disposition
  • l’obligation d’échange entre établissements voisins est précisée ainsi que les informations communicables, y compris vis à vis du public (communication sans réserve de l’étude de danger, dans le détail ou a minima le résumé non technique).
  • les études doivent préciser les types de produits de décomposition susceptibles d’être émis en cas d’incendie. Cette obligation est applicable aux études ou à leurs mises à jour postérieures au 1er janvier 2023, et sa mise en œuvre ne pourra excéder le 30 juin 2025.
  • les plans d’opération interne (POI) deviennent obligatoires pour les sites Seveso seuil bas à compter du 1er janvier 2023 et les fréquences minimales d’exercices des POI sont augmentées (tous les ans pour les établissements seuil haut, tous les trois ans pour les établissements seuil bas).

Entrepôts : allègement de certaines procédures

Le 1er janvier 2021 entreront en vigueur des modifications dans la nomenclature des installations classées (ICPE) et dans les prescriptions générales applicables aux entrepôts couverts en modification de l’arrêté ministériel du 11 avril 2017. D’une part, les prescriptions applicables aux entrepôts suite au retour d’expérience de l’incendie de Lubrizol seront renforcées. D’autre part, l’implantation des entrepôts sera simplifiée.

  • Les entrepôts couverts de la rubrique 1510 de la nomenclature des installations classées verront le seuil du régime d’autorisation passer de 300 000 à 900 000 m3.
  • Suppression du régime d’autorisation pour les rubriques visant les entrepôts frigorifiques (rubrique 1511), les dépôts de papier (1530), les stockages de polymères (2662) et ceux de pneumatiques (2663).
  • Le régime d’autorisation des stockages de bois (1532) de plus de 50 000 m3 est maintenu uniquement si ces installations sont susceptibles de dégager des poussières inflammables.
  • Désormais, seuls les projets d’implantation de 40 000m² de surface dans des zones non artificialisés seront soumis à évaluation (aujourd’hui, les projets de 40 000m² quelle que soit la zone d’implantation sont évalués)
  • Le principe de non-régression est respecté dans la mesure où ces derniers restent soumis à la procédure de « cas par cas ».

Entrepôts : des prescriptions plus sévères

La modification des libellés des rubriques de la nomenclature amènera à considérer le classement d’un entrepôt dans son ensemble et évitera le « saucissonnage » qui pourrait conduire à appliquer un régime administratif moins contraignant.

  • Tous les entrepôts, quel que soit leur régime administratif, auront l’obligation de se doter d’un plan de défense incendie (PDI).
  • Un renforcement de l’éloignement des stockages extérieurs vis-à-vis des bâtiments est acté
  • Une étude vérifiant qu’aucun effet domino thermique ne peut être déclenché par un incendie sur un bâtiment ancien vers les autres bâtiment plus récents doit obligatoirement être menée. En cas d’étude montrant un tel effet, l’exploitant aura l’obligation d’installer un système d’extinction automatique ou de faire construire un compartimentage avec dispositif de désenfumage pour les cellules d’une surface supérieure à 3 000 m2.
  • Certaines prescriptions exigées des établissements Seveso sont dorénavant imposées aux ICPE : formation obligatoire des personnels, mise à disposition des rapports des assureurs, informations relatives aux types de produits de décomposition en cas d’incendie et à la disponibilité des moyens de mesure.

Stocker de liquides inflammables : prescriptions plus sévères

Le troisième volet du dispositif réglementaire, composé de trois arrêtés, porte sur le stockage des liquides inflammables et combustibles. Un premier texte vient modifier l’arrêté du 4 octobre 2010 relatif à la prévention des risques accidentels. Il renforce les prescriptions relatives à l’état des matières stockées au sein des ICPE soumises à autorisation. Les exploitants devront tenir à jour un inventaire plus précis des stocks à compter du 1er janvier 2022. Cet inventaire devra détailler, zone par zone, l’ensemble des matières dangereuses stockées en faisant le lien avec toutes les propriétés de danger utiles, de même que les quantités et types de produits hors matières dangereuses tels que les batteries. Cet état des stocks devra être référencé dans le plan d’opération interne lorsqu’il existe. Il sera complété par un état synthétique, lisible pour le public et tenu à disposition des inspecteurs de l’environnement, des autorités sanitaires et des services de secours, y compris pendant un sinistre.

Enfin, deux arrêtés modifient la réglementation applicable aux liquides inflammables pour les sites soumis à autorisation. Le premier vient réglementer le stockage en récipients mobiles de liquides inflammables. Le second modifie l’arrêté du 3 octobre 2010 relatif au stockage en réservoirs aériens manufacturés au sein de ces installations. Les prescriptions sont renforcées sur plusieurs points : interdiction à terme des récipients mobiles susceptibles de fondre pour le stockage de certains liquides inflammables non miscibles dans l’eau, renforcement des prescriptions relatives aux stockages de liquides inflammables en récipients mobiles, renforcement des prescriptions relatives aux capacités de rétention pour les stockages en réservoirs fixes, renforcement des moyens de lutte contre l’incendie. Les prescriptions sont également renforcées pour les stockages de produits combustibles qui se liquéfient en cas d’incendie et sont stockés en récipients mobiles à proximité de liquides inflammables.

Il reste seulement à souhaiter que l’efficacité de ces modifications réglementaires pour la sécurité industrielle soit inversement proportionnelle à leur intelligibilité.